Qu’est-ce que l’achat inclusif ?
L’achat inclusif est une pratique d’achat responsable qui vise à intégrer des dimensions sociales, sociétales et environnementales dès la phase de sourcing. Il ne se limite pas à la conformité réglementaire ; il s’agit d’un outil stratégique pour favoriser l’accès à la commande publique ou privée à des structures souvent sous-représentées : entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), structures d’insertion, prestataires issus de la diversité ou de territoires fragiles.
Si ce type d’approche est historiquement associé à des marchés de services généraux, elle tend à s’étendre aux prestations intellectuelles, un segment qui représentait plus de 22 % des achats des grandes organisations publiques en France en 2023, selon l’Observatoire des Achats Responsables.
Pourquoi intégrer des critères d’inclusion dans les prestations intellectuelles ?
Les prestations intellectuelles (conseil, études, accompagnement au changement, informatiques, etc.) concentrent une part croissante des dépenses des institutions et des entreprises. C’est aussi un secteur à forte valeur ajoutée stratégique. Pourtant, ces marchés sont encore largement dominés par les grands cabinets traditionnels. Selon l’ADEME, moins de 5 % des marchés publics intellectuels ont été attribués à des structures de l’ESS ou de l’insertion entre 2020 et 2024.
Or, cette situation pose un double enjeu :
- Un enjeu d’équité d’accès : de nombreuses structures innovantes sont écartées du jeu économique faute de réseau, de capacité administrative ou de reconnaissance.
- Un enjeu d’impact : intégrer des acteurs aux profils divers permet d’enrichir l’approche des missions, d’ancrer les prestations dans les réalités locales et de soutenir une économie plus inclusive.
Comment mettre en œuvre l’inclusion dans les achats de prestations intellectuelles ?
- Ouvrir les consultations à de nouveaux profils
Pour favoriser la diversité dans les prestations intellectuelles, l’acheteur peut agir dès la définition de son besoin. Il peut notamment :
- Allotir les marchés afin de permettre à de plus petites structures de candidater sur des périmètres accessibles.
- Simplifier les dossiers de candidature, en acceptant par exemple des références moins formelles ou en réduisant les seuils de chiffre d’affaires.
- Cibler activement des structures inclusives, via des plateformes spécialisées (comme ESS France ou Impact France) ou en mobilisant les réseaux de l’économie solidaire.
Cette démarche proactive permet de rééquilibrer les conditions d’accès face aux grands cabinets souvent sur-représentés.
- Intégrer des clauses sociales adaptées
Les prestations intellectuelles ne sont pas incompatibles avec l’impact social — bien au contraire. Certaines clauses sociales peuvent être mobilisées de façon pertinente et sur-mesure :
Par exemple, un marché d’étude peut exiger que des personnes en insertion professionnelle participent à la réalisation d’enquêtes de terrain. Une mission de conseil peut intégrer un dispositif de tutorat ou de montée en compétence pour des jeunes professionnels issus de territoires prioritaires. Ou encore, la prestation peut prévoir une collaboration avec des acteurs ESS sur des phases spécifiques (diagnostic, mobilisation citoyenne, co-construction…).
Ces clauses doivent rester proportionnées et adaptées au type de mission, mais elles offrent une réelle valeur ajoutée à la fois sociale et qualitative.
- Changer les critères d’évaluation
Pour que l’achat inclusif ne se limite pas à l’intention, il faut aussi adapter les grilles de notation :
- Donner une place plus importante à la diversité des profils mobilisés, à la méthodologie inclusive ou encore à l’impact social généré par la mission.
- Valoriser les engagements concrets en matière de RSE, comme la parité au sein de l’équipe projet, la gouvernance coopérative ou l’ancrage territorial du prestataire.
- Ne pas évaluer uniquement la taille ou la notoriété des références, mais aussi la pertinence, l’engagement et la capacité à créer de la valeur partagée.
Cette approche nécessite une évolution des pratiques des acheteurs, souvent encore formatées pour privilégier la sécurité ou l’expérience des grands groupes.
Exemples inspirants
Certaines initiatives montrent que des alternatives sont possibles. En Île-de-France, une métropole a récemment confié une mission de concertation citoyenne à un groupement composé d’un cabinet de sociologie, d’une coopérative de communication locale, et d’un atelier d’urbanisme participatif. Le marché a été alloti de manière à faciliter cette alliance atypique mais complémentaire.
Dans le secteur privé, une grande banque mutualiste a lancé un appel à projet « innovation inclusive » incluant des lots de conseil en stratégie, systématiquement réservés à des acteurs de l’ESS ou des collectifs d’indépendants issus de la diversité.
Ces pratiques, bien qu’encore marginales, se développent : selon le baromètre 2024 du Réseau Gesat, le recours aux structures inclusives dans les prestations à forte valeur ajoutée a augmenté de 18 % en deux ans.
Intégrer une logique d’achat inclusif dans les prestations intellectuelles, c’est remettre en question une forme d’uniformisation de l’expertise. C’est aussi reconnaître que la performance ne repose pas uniquement sur des indicateurs techniques, mais aussi sur la capacité à comprendre les enjeux sociétaux, à coopérer avec des acteurs de terrain, et à proposer des approches transversales, sensibles et ancrées dans la réalité.
L’inclusion n’est pas une contrainte, mais un levier : un levier d’innovation, d’équité, et de transformation durable des pratiques d’achat.